Instantanés gidiens
Caroline Donati, lauréate du Prix de création 2022, revient sur son projet “Instantanés gidiens : voyage sensoriel dans les Nourritures terrestres et les Nouvelles nourritures” :
La diversité des éléments et langages - picturaux et graphiques - qui composent ma narration fait écho à la diversité de la forme si caractéristique des Nourritures terrestres – « l’idée de l’œuvre, c’est sa composition [1]». J’agence ma propre composition d’ensemble comme un parcours nomade qui se visite de la manière suivante :
Un prologue qui invite à s’ouvrir au sensualisme serein et au présent d’éternité
Un récit qui déroule les étapes de la quête
Un développement pour goûter aux joie des sens
L’aboutissement qui dit l’état d’être dans la plénitude
Les énonciations qui introduisent ces quatre thèmes du parcours et les pépites de sagesse qui rythment le dialogue entre texte et peinture, viennent apostropher le receveur, à la manière des injonctions clamées par le narrateur dans le livre.
L’agencement de ces différents éléments crée « cet espace de parole à la temporalité incertaine, où tout revit au moment où on l’énonce[2] ». C’est dans cet espace de parole et d’écoute atemporel que résonne la force contemporaine de l’œuvre de Gide.
[1] Pierre Masson, préface, André Gide, Les Nourritures terrestres, Les Nouvelles Nourritures, Paris, Flammarion, 2021, p.22.
[2] Ibid.
La brise vagabonde a caressé les fleurs. Je t’écoute de tout mon cœur.
La mort n’est que la permission d’autres vies, pour que tout soit sans cesse renouvelé ; afin qu’aucune forme de vie ne détienne cela plus de temps qu’il ne lui en faut pour se dire.
Mes sens s’étaient usés jusqu’à la transparence, et quand je descendis au matin vers la ville, l’azur du ciel entra en moi.
Leur jus est aigrelet comme celui des framboises pas mûres.
Leur fleur semble faite de cire ;
Elle est de la couleur du fruit.
Trésor gardé, cloisons de ruches,
Abondance de la saveur,
Architecture pentagonale.
L’écorce se fend ; les grains tombent,
Grains de sang dans des coupes d’azur ;
Et d’autres, gouttes d’or, dans des plats de bronze émaillé.
Il y avait de grands labours dans les plaines. Les sillons fumaient dans le soir ; et les chevaux lassés prenaient une allure plus lente. Chaque soir m’enivrait comme si j’y sentais pour la première fois l’odeur de la terre. J’aimais alors m’asseoir au talus de l’orée, parmi les feuilles mortes, écoutant les chants des labours, regardant le soleil exténué s’endormir au fond de la plaine.
