Les Archives André Gide de la Fondation Catherine Gide

David Naegel, Maud Chatin
Image
Catherine Gide en 2011
Catherine Gide en septembre 2011 (cliché DN&MC)

À la mémoire, constamment, de Catherine Gide

Sans la volonté de Catherine Gide1, il n’y aurait pas d’Archives André Gide. S’occuper des documents qu’elle a su conserver c’est, pour nous deux, honorer sa mémoire et participer à faire vivre, à prolonger, cette volonté2.

Nous ne sommes évidemment pas les seuls, il s’en faut, ne serait-ce qu’en prenant en compte les efforts de nos immédiats devanciers, à savoir Claude Martin et Daniel Cohen3.

Gérer des archives est un travail de Sisyphe ; celui de Sisyphe heureux, certes, tant elles apportent de joies à celles et ceux qui les aiment ; mais aussi celui de Sisyphe qui savent qu’il s’agit d’un ouvrage toujours recommencé, toujours inachevé, de longue haleine, souvent ingrat.

C’est que le plus grand nombre se figure mal, en général, les opérations nécessaires en amont des documents qu’il consulte, c’est-à-dire les servitudes, la discipline, les choix, la ténacité que suppose ce quasi sacerdoce.
 

Pratique et politique des Archives André Gide

Avoir charge d’archives implique d’abord de s’affronter à la dimension physique des choses.

Le local des Archives André Gide contient près de vingt mille documents et jouit, en outre, d’annexes sous forme de caves très saines qui permettent le stockage des pièces les moins importantes et surtout les moins précieuses.

Les Archives André Gide ont, autant que faire se peut, une logique d’intégration de nouveaux documents, aussi bien ceux qui sont encore retrouvés, çà et là, parmi les affaires de Catherine, que ceux qui sont parfois acquis. Dans tous les cas, est-il besoin de les traiter physiquement en en faisant des liasses cohérentes, munies d’un code, puis de les inventorier électroniquement par le menu et, enfin, de les ranger dans la centaine de boîtes déjà remplies (dont le nombre va doucement grandissant).

Les prêts, supposent un traitement pas moins contraignant si l’on veut scrupuleusement suivre le cheminement d’un document communiqué à quelqu’un. Ces sorties momentanées, du reste, induisent deux autres considérations : l’accessibilité des documents et le traitement électronique qui leur est réservé.

Le caractère privé des Archives André Gide aussi bien que l’absence de structure d’accueil interdisent au public (à quelques très rares exceptions près) la visite du lieu et, partant, la consultation directe des pièces présentes dans le fonds.

Aussi, la politique qui prévalait jusqu’à notre arrivée était la communication physique (en main propre ou par voie postale) des documents demandés, avec les risques de détérioration et de perte que cela fait craindre.

En recevant la charge des Archives André Gide, nous avons, avec l’aval du Conseil de Fondation, initié puis peu à peu mis en place leur structuration électronique selon deux grands axes : constitution de tableaux électroniques et numérisation des documents.

Nous avons pris exemple sur la solide méthode de Claude Martin (qui avait intégré le premier tiers des archives), quant à la structure du classement, et suivi aussi bien qu’amélioré celui de Daniel Cohen (qui avait intégré le second tiers), quant à l’idée de mobiliser les ressources de la bureautique, pour poursuivre l’intégration du derniers tiers et unifier le tout.

Les puissants tableaux électroniques (relatifs aux écrits, aux photographies, aux livres, aux entrées-sorties, etc.) finalement constitués par nous deux (et allant sans cesse s’améliorant) permettent, désormais, de se faire une idée assez complète des ressources des Archives André Gide, de trouver et de situer rapidement un document, de mener des recherches solides et cohérentes.

Par ailleurs, nous avons décidé de numériser, in fine, la totalité des Archives André Gide. C’est un ouvrage sur le long terme tant ce processus est délicat et complexe puisque, sans compter le fait de les reproduire électroniquement, il convient d’abord d’extraire les documents puis de les mettre en ordre au besoin ; il faut ensuite organiser, référencer et sauvegarder les numérisations accomplies.

L’avantage est évident sous deux rapports au moins : communication facilitée au public intéressé et disponibilité accrue sur le net.

En effet, en complément d’une numérisation dans l’ordre des dossiers, un tel processus est systématiquement accompli à présent dès lors qu’un chercheur demande des documents ou qu’il y a don voire vente. Ainsi, à l’exception de celles communiquées pour des expositions, plus aucune pièce ne sort du fonds (envois par courriel) et tout retrait définitif laisse, en principe, une trace électronique.

En outre, semblable démarche permet une visibilité des ressources des Archives André Gide. On en voit déjà le résultat sur le site de la Fondation Catherine Gide auquel nous communiquons régulièrement les numérisations accomplies. Une bonne partie de l’intérêt dudit site réside au fond dans ceci : stocker et délivrer de la mémoire iconographique.

D’ailleurs, cette manne électronique profite à beaucoup, puisque, moyennant une recherche élémentaire, il n’est pas difficile de trouver sur la toile les emprunts faits, emprunts mentionnant, généralement (pas toujours, hélas !), la Fondation Catherine Gide.

Pour l’heure, le site de la Fondation Catherine Gide a pour consigne de ne communiquer que les photographies et c’est déjà pour nous deux une vraie satisfaction.

En effet, deux de nos motifs de contentement sont, d’une part, d’avoir rassemblé, trié, daté, légendé, codé et rangé les photographies du fonds, quand personne avant nous ne les avaient traitées, et, d’autre part, d’avoir tenu bon contre vents et marées pour qu’elles soient toutes considérées comme des documents aussi importants et précieux que les autres, c’est-à-dire également dignes d’être sauvegardés et numérisés4.

Précisons que nous fîmes cet important travail de valorisation photographique (toujours en cours) en nous attachant, jusqu’à son décès, le concours informel mais capital de Catherine dont la chaleureuse mémoire nous fit gagner un temps précieux et commettre moins d’erreurs (imperfections que nous amendons constamment, en précisant que nous sommes ouverts à tous compléments d’information que l’on voudra bien nous apporter). Le bonheur ou l’amusement que lui procura la découverte ou la redécouverte de tel ou tel cliché nous habitent encore et suffisent à eux seuls à justifier nos efforts.

S’il est certain que la consultation des documents numérisés est source de plaisir et de surprise, elle est d’abord vectrice d’informations. Nous croyons donc que la numérisation des diverses pièces appartenant aux Archives André Gide devrait avoir valeur de modèle (et d’encouragement) pour des structures qui lui sont comparables, voire plus importantes qu’elle, et dont la démarche à ce sujet est inexistante ou embryonnaire.

Ainsi, les Archives André Gide elles-mêmes bénéficient de la générosité d’autres sites, puisque (de manière un peu informelle il est vrai jusqu’à présent) elles sont assidûment à la recherche de documents qu’elles ne possèdent pas en propre et qui sont disponibles électroniquement sur le net. Elles signalent fréquemment au site de la Fondation Catherine Gide ceux qui lui paraissent les plus dignes d’être mentionnés sous forme de liens (documents vidéos et audios principalement).

Ce souci d’indiquer, au fond consubstantiel à notre charge, est cause qu’en maintes occasions, les archivistes que nous sommes conduisent des recherches dans le fonds (comme ailleurs) et font des propositions quand il est question de parutions, d’expositions, de colloques, etc. Nous nous y employons également pourfournir des éléments d’évaluation lorsque que des pièces des Archives André Gide sont en passe d’être vendues.

Richesses et ressources des Archives André Gide

Quant à leur structure proprement dite, les Archives André Gide sont, pour l'écrire rapidement, bâties autour de trois grandes composantes : les documents, les photographies, les livres et revues. Compte non tenu des cessions déjà accomplies, les voici décrites à grands traits.

Les documents (environ 15000)

Distribués dans plus de 70 casiers et autres classeurs, on trouve, d'une part, des manuscrits (lettres, livres, articles, conférences, notes, etc.) et, d'autres part, des éléments non manuscrits ou pas strictement tels (lettres, télégrammes, contrats, plaquettes, affiches, corrections d'ouvrages, tirés à part, imprimés dont articles de journaux, photocopies, etc.).

Les 2/3 environ de ces documents sont constitués de lettres qui sont aussi bien le fait d'André Gide que de tiers très divers, à vrai dire et sans surprise, majoritaires (4/5 des documents environ).

Image
Lettre à Cocteau recto
Image
Lettre à Cocteau verso
Lettre d'André Gide à Jean Cocteau du 20 novembre 1919 © FCG

Ces derniers sont des proches (Maria Van Rysselberghe, Catherine Gide, Charles Gide, etc.) ou non.

Ils peuvent être célèbres (Léon Blum, Albert Camus, Jean Cocteau, Ernst Robert Curtius, Maurice Denis, Paul von Hindenburg, Alexis Leger dit Saint John Perse, André Malraux, Roger Martin du Gard, Rainer Maria Rilke, Jean-Paul Sartre, Jean Schlumberger, Georges Simenon, Walter Sickert, Paul Valéry, Théo Van Rysselberghe, etc.) ou inconnus (Balkis, par exemple).

Image
Lettre de Rainer Maria Rilke à André Gide du 03 mars 1913
Lettre de Rainer Maria Rilke à André Gide du 3 mars 1913 © FCG

Il peut leur arriver d’être assidus (Élisabeth Van Rysselberghe) ou, au contraire, pas particulièrement diserts (soient qu’ils aient peu écrit, soit que le fonds possède peu de lettres d’eux).

Les lettres émanant d'André Gide (1/5 des documents environ) sont pour beaucoup, fort logiquement, conservées sous leur forme de brouillon.

Tous ces documents sont naturellement d’un intérêt très inégal, mais certains sont capitaux ; d'autres sont simplement beaux : par exemple, l'imposante signature de Paul von Hindenburg est fort impressionnante, les lettres de Théo Van Rysselberghe sont passionnantes et élégantes, le courrier de Balkis (pseudonyme de Marie-Madeleine Duval qui poursuivit André Gide de ses assiduités) est une authentique splendeur visuelle et calligraphique, les vignettes de Stanislas Debicki sont magnifiques et originales, les ex-libris dessinés par Paul Valéry pour André Gide sont superbes et touchants, les dessins de Maurice Denis (pour Le Voyage d'Urien) sont merveilleux et variés, etc.

Par ailleurs, le fonds possède des document plus récents collationnés après 1951 autour d'André Gide et de personnes plus ou moins célèbres et plus ou moins liées à lui : transcriptions, textes, articles, journaux, plaquettes, annonces et actes de manifestations (expositions, conférences, colloques, congrès, pièces de théâtres, émissions, prix, parutions de livres, etc.), contrats, courriers variés, photocopies, etc.

Ces documents, répartis dans plus de 10 casiers, n'ont évidemment pas la valeur intrinsèque de ceux que nous avons d’abord évoqués mais leur pertinence historique est patente puisqu'ils permettent de suivre l'évolution de l'intérêt porté, au cours du temps, au Prix Nobel de littérature de 1947.

Les photographies (plusieurs milliers)

Le rassemblement, le tri, le classement (physique et informatique) et la numérisation des photographies du fonds ont déjà donné de beaux fruits.

Il y a là une ample moisson qui, en complément des documents écrits, permet de se faire une idée plus vivante d'André Gide, des gens qu'il a fréquentés ou admirés, des époques et événements qu'il a, avec d'autres, traversés.

Naturellement, le fonds compte un nombre important de photographies sur lesquelles figure André Gide (moins de 1/5 environ), seul ou en compagnie de tiers, de sa prime jeunesse jusqu'à sa mort. Tous les clichés où il apparaît sont importants mais, en ces matières aussi, certains se détachent par leur intérêt ou leur qualité.

Image
Gide par Démarest
André Gide par Albert Démarest en 1891 © FCG

Ainsi en est-il de ceux pris par Albert Démarest en 1891 et 1894 (s'y découvre un André Gide jeune), par Jacques Émile Blanche en 1915, par Frieda Riesse en 1928, par Thea Sternheim en 1930, 1931 (en compagnie de Bernard Groethuysen pour certains) et 1934, par Philippe Halsmann en 1935 (magnifiques évidemment), par Charles Leirens en 1936 (superbes également), par Alban en 1939, par Laure Albin-Guillot en 1945 (avec des aperçus du Vaneau), par André Ostier en 1946, par Emil Van Moerkerken en 1946, par Richard Heyd en 1946 et 1947, par Catherine Gide en 1947 (en grand costume de docteur Honoris Causa), etc.

Plus des 4/5 du fonds sont constitués de prises de vues de tiers, proches ou non, célèbres ou inconnus, contemporains ou pas d'André Gide.

On trouve des photos de son épouse Madeleine et de sa famille en général, de passionnantes des Van Rysselberghe (de Théo, de Maria et d’Élisabeth, en particulier), de touchantes de Catherine Gide sa fille, mais aussi de proches plus ou moins directs tels Sylvia Beach, Marianne Delacre, Augustine de Rothmaler, Enid Mac Leod, Aline et Andrée Mayrisch, Suzanne Schlumberger, Ethel Whitehorn, etc.

Au chapitre des célébrités, se peuvent découvrir nombre de visages : un beau cliché d'Oscar Wilde dédicacé par lui à André Gide (et un autre, non moins frappant, de Lord Alfred Douglas annoté par André Gide), mais aussi, pêle-mêle, des photos, souvent exceptionnelles, sur lesquelles figurent Marc et Yves Allégret, Rupert Brooke, Ernest Chausson, Jean Cocteau, Colette, Joseph Conrad, Jacques Copeau, Henri Edmond Cross, Eugène Dabit, Félix Fénéon, Henri Ghéon, Pierre Herbart, Francis Jammes, Louis Jouvet, Jef Last, Paul et Pierre Laurens, Franz Liszt, Pierre Louÿs, André Malraux, Roger Martin du Gard, Octave Maus, Henri Michaud, Camille Pissaro, Charles Ferdinand Ramuz, Rainer Maria Rilke (avec notes d'André Gide au dos) Igor Stravinski, Arthur Rimbaud (certaines annotées par sa sœur Isabelle), Antoine de Saint-Exupéry, Lou Andreas Salomé, Jacques Schiffrin, Jean Schlumberger, Paul Valéry, Émile Verhaeren, Paul Verlaine, Francis Viélé-Griffin, Walt Whitman, etc.

Image
Exupéry
Antoine & Consuelo de Saint-Exupéry en décembre 1933 © FCG

Le fonds comprend également des photographies de lieux qui ont compté pour André Gide et les siens : « Les Audides » à Cabris, « la maison du bas » (ayant appartenu à Maria Van Rysselberghe) et « la maison du haut » (dite « Le Pin », ayant appartenu à Élisabeth Van Rysselberghe, ancien atelier de Théo Van Rysselberghe) au Lavandou, l'Îledu Levantà Saint Clair, « La Bastide-Franco » à Brignoles, Pontigny, Swanley, Charleton, Ambleteuse, Bettembourg, Luxembourg, Colpach, etc.

Les livres (plus de 1000) et les revues (près de 700)

Les livres anciens (jusqu'à 1951 inclus), comprennent des ouvrages ayant appartenu ou non à André Gide, dédicacés par lui (édition bleue du Thésée de 1946 dédicacée à Maria Van Rysselberghe) ou par des tiers (Poèmes de la folie de Hölderlin dédicacés à André Gide par Pierre Jean Jouve vers 1929, Poëtique dédicacé à André Gide par Pierre Louÿs en 1916, Entre centre et absence dédicacé à André Gide par Henri Michaux vers 1936, 2esonate pour violon et piano dédicacée à André Gide par Darius Milhaud en 1917, Derborence dédicacé à André Gide par Charles Ferdinand Ramuz, Architectures dédicacées à André Gide par Paul Valéry, etc.).

On trouve également des éditions plus ou moins originales des œuvres du même André Gide ainsi que des volumes autour de la vie et des travaux de cet auteur, par exemple les recherches d'Auguste Anglès, de Jean Delay, les critiques de Henri Massis, les hommages collectifs (Éditions du Capitole en 1928, La NRF en novembre 1951), etc.

Les livres récents (après 1951), comprennent les éditions des œuvres d'André Gide (particulièrement les versions en poche mais également celles de La Pléiade), aussi bien en français que dans toutes sortes de traductions, ainsi que des volumes, là encore, autour de la vie et des travaux de cet auteur, notamment les recherches (par Daniel Durosay, Jean Claude, Alain Goulet, Claude Martin,Éric Marty, Pierre Masson, Daniel Moutote, Patrick Pollard, Martine Sagaert, Jean Michel Wittmann, etc.), les biographies (par exemple celle de Frank Lestringant), les correspondances entre André Gide et des tiers (plus de 80 volumes, parus chez Gallimard, aux PUL et ailleurs), etc.

Les revues anciennes (jusqu'à 1951 inclus) comprennent une collection remarquable et à peu près complète de La NRF (de 1909 à 1951) ; on trouve en sus quelques numéros épars de revues très intéressantes pour saisir également le parcours d'André Gide, telles Potache-revue (1889), L'Annonciation (1894), L'Ermitage (1901), La Plume (1891), etc.

Les revues récentes (après 1951) incluent surtout une collection presque complète de l'indispensable Bulletin des Amis d'André Gide (mais aussi Uzès musée vivant et Galerie revue luxembourgeoise, ainsi qu'un grand nombre des numéros de La NRF postérieurs à 1951).

Ajoutons, pour être complets, que le fonds des Archives André Gide détient divers objets : médaille et diplôme du Prix Nobel de littérature d’André Gide (1947), portefeuille d’André Gide, masque mortuaire de Théo Van Rysselberghe, etc.

Image
Masque mortuaire de Théo Van Rysselberghe
Masque mortuaire de Théo Van Rysselberghe © AAG/FCG

On le voit, la quantité comme la richesse des pièces présentes dans le fonds induisent un difficile mais passionnant travail d’organisation et de valorisation. Ainsi qu’on a essayé de le faire comprendre, la numérisation du fonds des Archives André Gide, à mesure qu’elle progresse, facilite une telle entreprise, mais c’est un travail de longue haleine qui suppose une persévérance toute particulière.

La volonté de transmettre et de faire savoir est un un puissant moteur pour ce faire. Mais elle est peu de choses si elle n’est pas soutenue par le souci de conserver.

Cette vigilance, pour des archivistes, trouve son origine dans un fait très simple mais aux conséquences désastreuses. Le remplacement, à partir du début du XIXesiècle, des chiffons de lin par le bois pour la confection de la pâte à papier a, en effet, fragilisé le support d’une multitude de publications et autres écrits. De là, ce phénomène destructeur malheureusement bien connu et qui est le tourment de tout conservateur concerné : l'acidité (empirant même quand, par la suite, on s’est avisé de mettre des agents blanchissants dans la pâte à papier)5. Est-il besoin d'ajouter que manipuler des documents devenus aussi friables n'arrange rien ?

Ainsi, en dépit de ses imperfections (une copie électronique n’est jamais un original, bien des informations sont perdues : texture, odeurs, couleurs réelles, beauté, valeur intrinsèque, etc.) et de ses contraintes (notamment temporelles), la numérisation, encore une fois, constitue une planche de salut pour maints documents et un moyen commode, omnibus, de les faire mieux connaître tous.

Image
Dédicace d'André Gide à Maria Van Rysselberghe de Le roi Candaule
Dédicace d'André Gide à Maria Van Rysselberghe de Le roi Candaule © AAG/FCG

[1] Nous avons eu la chance de fréquenter Catherine cinq ans durant (dans le cadre de relations dont il n'est pas utile de rapporter ici ni la genèse ni la trame) et renvoyons le lecteur qui le souhaiterait au témoignage, imparfait mais reconnaissant, que nous avons fait à son sujet, après sa disparition : David et Maud, « Catherine Gide "sauvage et sociable" », Catherine Gide 1923-2013 (témoignages réunis par Peter Schnyder), Fondation Catherine Gide, 2013, pages 11 à 26 ; nous écrivions alors : « Détentrice d'archives magnifiques et volumineuses, fragiles et complexes, elle nous avait fait comprendre combien elle en avait aussi subi le rude diktat. Mais elle n'était pas du tout du genre à se plaindre et, courageuse autant qu'opiniâtre en cette matière également, elle avait tenu bon contre vents et marées en conservant scrupuleusement cet imposant héritage. Soucieuse de ne le laisser point dormir, elle l'avait partagé, cela, en en permettant la consultation aux chercheurs et essayistes ou en faisant le don gracieux de certains lots à des musées et à des bibliothèques. » Il est possible de télécharger ce livret à partir de : https://www.fondation-catherine-gide.org/accueil/catherine-gide

[2] Mémoire et volonté qui s’incarnent également dans la Fondation qui porte son nom, qu’elle avait créée avec d’autres personnes (dont Peter Schnyder qui la préside actuellement), Fondation qui ne se limite pas aux Archives André Gide et qui participe au rayonnement de l’œuvre comme de la pensée de son père.

[3] On trouvera des éléments historiques supplémentaires et plus complets (ainsi que des clichés) dans un texte rédigé, entre autres, sur le fondement d’informations que nous avions alors communiquées à l’auteur : Peter Schnyder, « Les archives de la fondation Catherine Gide. Aperçu historique et état présent », Bulletin des Amis d’André Gide, n°189-190, printemps 2016, pages 139 à 155. On peut télécharger ce numéro.

[4] C’est que nous sommes très proches du fondateur de la Cinémathèque française à ce sujet car, comme lui, nous estimons qu’il faut tout conserver, tout sauver, tout maintenir (cf. Eric Rohmer & Michel Mardore, « Entretien avec Henri Langlois », Cahiers du cinéma, n°135, septembre 1962, pages 1 à 25).

[5] Les cinéphiles s’affrontent à un problème comparable avec les films anciens sur support celluloïd, dits « films flammes ».